Alors que j’allais rendre visite à ma délicieuse boulangère, rue Baudelaire, pour acheter mon millefeuille quotidien, j’ai écrasé un pigeon. D’habitude ces volatiles agiles s’échappent au dernier moment de devant les roues de nos voitures mais là j’ai bien vu qu’il n’y avait pas eu d’envol salvateur. J’ai regardé dans le rétroviseur : plumes plates. J’étais fort contrit de la position inerte du ramier…
Pensant à la triste destinée de ce pauvre pigeon, me vint alors à l’esprit le tout aussi triste destin de tant de gens de plume… Savez-vous que lorsque vous achetez un livre, chers lecteurs, 36 à 40% vont au libraire, environ 21% à l’éditeur, 15 % au coût de fabrication de l’ouvrage, le distributeur et le diffuseur se partagent ensuite 20%, s’ajoutent les taxes et impôts et… à oui, j’allais oublier qu’il y a un auteur qui a imaginé et écrit le roman ! Un quoi ? Ben un Ôooteur, c’est l’écrivain quoi… l’homme de plume ! Mais non, pas celle du pigeon de l’histoire… Bref, celui-ci hérite généreusement in fine de 4 à 8 % du montant du livre, des droits d’auteurs quoi…
Alors vous savez quoi ? Je me disais que si le libraire écrivait le prologue, l’éditeur les deux ou trois premiers chapitres, le façonnier et imprimeur autant, le distributeur un chapitre de plus, le diffuseur les dernières lignes et le percepteur l’épilogue… et bien on ferait l’économie de l’auteur et par les temps qui courent… il n’y a pas de petits profits.
Pour finir mon histoire de millefeuille que je dégustai avec appétit malgré ma petite contrariété de plume, le feuilleté en fut divin… et le sourire de ma boulangère à damner. Mais bon, il y avait quand même cette histoire de pigeon à l’épilogue un peu indigeste…